COULEURS-DE-LA-VIE

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   Le livre autour du personnage de Pierre Rabhi est un long entretien mené par Olivier Le Naire. Le journaliste a eu l’intuition de sortir la conversation hagiographique pour entraîner l’agro-écologiste vers d’autres thèmes. On retrouve la hauteur de vue & le bons sens terrien qui caractérisent le paysan cévenol.

Depuis un moment, quel que soit le lieu en France, lorsqu’il anime une conférence, la salle est comble. Pierre Rabhi n’a jamais été aussi pertinent dans ce monde qui marche sur la tête, favorisant le profit de quelques-uns au détriment de l’Homme & de la Terre. Il existe une frange de la population, en quête de repères, qui se reconnaît dans les valeurs de bon sens et de respect de la vie, portées par ce philosophe de la Terre. C’est plutôt bon signe. Avec le livre d’entretien, réalisé par Olivier Le Naire (rédacteur en chef adjoint du service Société et Science de l’Express), Pierre Rabhi entend aller à la rencontre d’un public plus large confrontant son propos aux réalités de la société actuelle, en particulier celle des jeunes générations urbaines.

Pour un public plus large : C’est la bonne idée qu’à eue Olivier Le Naire, avec cet entretien : sortir du cercle des initiés ou des connaisseurs pour toucher un nouveau public, celui qui n’est pas familier des réseaux écologiques et qui, pourtant, peut-être largement touché par la parole de Pierre Rabhi. Ensuite, il a choisi de raconter lui-même le parcours de ce paysan philosophe et de lui faire comprendre, l’obligeant ainsi à sortir de la narration pour se focaliser sur quelques points clés.

Au fil des lignes, on sent que le courant est très vite passé entre les 2 hommes car, dès le début, je journaliste est tombé sous le charme : « Lors de ces 3 jours passés en immersion dans la ferme familiale, j’ai été frappé par la présence lumineuse, la pertinence du discours de Pierre et de son parcours. » comme lui, on est saisi, lorsqu’on écoute ou qu’on lit Pierre Rabhi, de voir son talent de raconter le monde – y compris dans ce qu’il y a de plus aberrant ou contradictoire – sans catastrophisme, en parlant de beauté, de sens et d’humanité. C’est sans doute parce que l’agro-écologie est une vaste porte d’entrée, ouvrant sur tout : l’histoire, la philosophie, la société, qu’elle a amené Pierre Rabhi à réfléchir sur tous les thèmes universels qui permettent de comprendre notre monde actuel.

Un regard plus intérieur : Le paysan poète a été amené à s’exprimer sur des sujets qu’il n’avait jamais explorés, en étant parfois poussé dans ses retranchements et dans des réflexions personnelles, voire intimes : « J’avais parfois l’impression d’être chez un psychanalyste et je ne savais ce que tout cela allait donner »

C’est l’occasion, aussi, pour lui, de revenir sur ses choix, de les expliquer, de les discuter, de parler de ses proches, de sa vie quotidienne, ou des limites de son action. Pierre Rabhi évoque aussi ses plus belles rencontres, ses doutes, ses passions, son regard sur la mort ou sur les religions : "Toutes les religions, par exemple, proclament que la création est œuvre divine. Elles devraient donc, les premières, défendre l’écologie, car Dieu ne doit pas être content qu’on profane Sa création. Or où sont-elles ? Leur silence, sur ce point, est assourdissant ! "

Autre thème important pour l’agro-écologiste : la cohérence. Notamment entre ses actes et son discours : Je fulmine contre les multinationales et je les nourris en prenant ma voiture et parfois l’avion. Pour cela je n’ai pas trouvé de solutions et je dois bien accepter ce genre d’incohérences comme les limites de ma radicalité. Mais on ne doit pas pour autant baisser les bras et accepter que les contradictions deviennent la norme. Dire ce que l’on fait et faire faire ce que l’on dit est primordial. C’est souvent la limite des idéologies, qui se détournent de leurs principes initiaux pour devenir monstrueuses, ce que l’histoire a toujours mis en évidence.

Des questions d’actualité : Le journaliste a également eu la bonne idée d’interroger Pierre Rabhi sur des sujets d’actualité, toujours dans le souci d’élargir les thèmes autour de l’agro-écologie. Et même sur les sujets les plus sensibles – mariage homosexuel égalité hommes-femmes, radicalisation des musulmans -, Pierre Rabhi garde cette capacité à regarder les faits calmement, avec hauteur, en replaçant  dans le contexte les valeurs qui nous constituent. C’est un regard de long terme sur des faits récents, une vision globale d’un poète et homme de la Nature.

Au final, Pierre Rabhi reconnaît que ce livre, avec ce regard tourné vers l’intérieur, l’a aidé à prendre sa place  et à resserrer ses priorités : "Aujourd’hui, ce qui m’engage le plus, c’est de participer à un changement de paradigme orienté vers la décroissance. Et en parallèle, je tiens à travailler à des solutions pour casser le précepte d’avidité infinie et pour stopper la faim dans le monde. "

Le livre s’appelle Pierre Rabhi, semeurs d’espoirs » et quand on lui demande quel est son plus grand espoir, il répond : " C’est l’intelligence de l’Homme. Pas celle du Quotient Intellectuel ni l’intelligence maligne, mais l’intelligence de la Lumière ". Comme lui, on a hâte qu’elle touche la majorité des humains.

Christophe Guyon.

Paysan, écrivain et penseur français d’origine algérienne, Pierre Rabhi défend un mode de pensée plus respectueux de l’homme et de la nature. Il soutient le développement de l’agro-écologie à travers le monde pour contribuer à l’autonomie, la sécurité et la salubrité alimentaire des populations. Il est fondateur de plusieurs structures dont l’Association « Terre & Humanisme » et le Mouvement « Colibris ». Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont la « Vers la sobriété heureuse » (Acte Sud 2010) ou « Du Sahara aux Cévennes » (Albin Michel 1995)